— Marche.
— Mais ! La grosse dame qui se cache derrière le lampadaire !
— Marche donc.
— Elle serre son petit sac tout déchiré ! Pourquoi ?
— Une grosse dame n’est jamais que grosse.
— Elle agrippe l’autre monsieur à son bonnet poinçonné !
— Marche donc.
— Il s’assoit dans le caniveau !
— L’autre s’absente ailleurs de nos pensées. Avance.
— Mais ! Il embrasse la tête qui jaillit de la bouche d’égout !
— Avance donc.
— Elle a la figure entièrement pénétrée ! Pourquoi ?
— Un visage ne fait pas corps. Active-nous.
— Et j’aperçois un bras coincé à travers une porte !
— Qui tend la main ?
— Aussi je vois un gant écorché !
— Dépêche-nous.
— Deux chaussettes entamées sautent dans la vitrine !
— Une chaussure n’engage pas le pied.
— Mais pourquoi pas les jambes ?
— Maintenant accélère donc.
— Et sur le panneau d’interdiction de stationner ! Là, dans le feu qui clignote ! Et dans le trottoir, sous l’arrêt de bus !
Et là-bas au-dessus de la poubelle : toutes pleines de dents trouées ! Partout le long de notre chemin ! Des lèvres qui hurlent !
Pour quoi ?
— Accélérons-nous.
— Et dis, il y en a qui rasent les murs !
— Un mur ? Où ça ?
— Regarde ! Leurs pantalons transpercés …
— Je ne vois rien. Tu le sais bien.
— Pourquoi ?
Paru en 2015, dans le numéro 6 de la revue Assault (thème "Marge(s)") L'assaut